Quels sont les rapports actuels entre la France, l’Italie et la Russie, après l’adoption des sanctions internationales à l’égard de Moscou ?
Malgré le fait que France et Italie se sont exprimés en faveur des sanctions internationales contre Moscou après l’annexion de la Crimée en 2014, leur position a changé vers une révision du système des sanctions pour ce qui concerne la sphère économique.
La position de Rome et de Paris n’est pas soutenue par les pays de l’Europe de l’Est et par les pays Baltiques. Voilà pourquoi les deux pays ont voté en accord avec les autres pays du Conseil de l’U.E. pour renouveler les sanctions.
Pourtant sur d’autres projets d’intérêt international France et Italie ont une vision différente. Entre outre, l’Italie n’a pas soutenu la proposition du Président Macron pour impliquer davantage Moscou dans la défense européenne qui aurait intensifié les relations entre Moscou et l’OTAN comme en 2002 avec l’institution du Conseil OTAN-Russie.
Le Président français, considère la Russie comme un allée incontournable. Il est important de définir des relations solides avec la Russie pour mettre fin aux nombreux conflits sur la scène internationale (Syrie, Lybie, Ukraine et Iran).
Le projet de Macron a été accueilli avec scepticisme de l’Italie (et aussi des pays de l’est Europe). Le gouvernement italien est concentré plutôt sur ses politiques internes et il ne semble pas intéressé par la proposition de Macron. Celle-ci parait comme un prétexte pour détourner l’attention sur les problématiques internes à la France.
D’après vous, comment la Russie interprète-elle le projet de Macron de réduire le pouvoir de l’OTAN dans la défense européenne et de réorganiser la défense de l’U.E avec la France au centre des décisions ?
L’OTAN est la seule organisation qui a survécu a la Guerre Froide après la chute de l’Union Soviétique. Tout d’abord il est nécessaire de comprendre le rôle de l’OTAN aujourd’hui et surtout quel type d’organisation est devenue. Certainement, elle doit être rénovée en fonction des nouveaux équilibres géopolitiques et des nouveaux défis en terme de sécurité. Selon Macron, il faut ouvrir un débat sur le futur de l’OTAN avec une vision stratégique partagée par les alliées.
Macron a défini l’OTAN comme une organisation qui se trouve « dans une sorte de coma » et propose donc un nouveau projet de défense européenne qui prévoit aussi la participation de la Russie.
Malgré l’OTAN a modifié son statut, elle reste la première défense pour les pays de l’est de l’Europe contre la Russie. A cela il faut ajuter le fait que pour construire une organisation de défense européenne les pays doivent investir davantage, mais la majorité d’entre eux n’ont pas les capacités économiques.
Quel rôle peut jouer l’Italie pour rapprocher la Russie à l’OTAN ? Est-t-il envisageable de récréer l’esprit de « Pratica di Mare » ou le rapport est désormais compromis ?
Tout d’abord, il faut constater que les relations entre Italie et Russie sont positives pour des raisons historiques et grâce aux gouvernements de Berlusconi et Prodi et aux autres gouvernements qui se sont succédés. Mais nous devons également dire que un pays qui veut jouer un rôle internationale dominante doit être stable et être reconnu au niveau internationale. Aujourd’hui le gouvernement italien n’a pas la stabilité nécessaire pour prendre des décisions au niveau internationale.
Toutefois, malgré cette instabilité le gouvernement Conte veut un rapprochement entre l’OTAN et la Russie, la résolution de la question de l’Ukraine et la poursuite de l’esprit adopté lors des accords de Minsk.
Ce qui n’est pas remis en question lors de nouvelles négociations est le statut de la Crimée. Au contraire, ils vont se focaliser sur la fin de la guerre hybride dans l’est de l’Ukraine.
Serena Giusti est professeur de Relations Internationales à l’École Supérieure Sant’Anna de Pise et Senior associés Research fellow dans le Programme Russie, Caucase et Asie Centrale de l’Institut d’Études de Politique Internationale de Milan. Il est également vice-président du Forum pour les Problèmes de la Paix et de la Guerre de Florence et il est dans l’Advisory board de Women International Security (WIIS) – Italie. Il a obtenu son doctorat à l’Institut universitaire européen de Fiesole et son Master en European Studies au Collège d’Europe-Bruges à Varsovie.